jeudi 31 août 2006

DEPART

Mon vélo est parti hier avec des sacoches…
Je pars ce soir pour Paris…seule et en avion !
Je suis heureuse de retrouver ma famille qui m’a tant aidée pendant ce voyage. Un an sans les serrer contre moi, c’est long !
Mes amis et ma famille ont su alimenter ce blog par leurs commentaires amicaux qui ont quelquefois poussé mon velo. Merci à tous.
Je rentre avec un coeur plein d’amitiés et d’amour.
Ce blog n’est pas terminé..Il a commencé avant mon voyage…Il vivra encore après...peut-être lors d'autres voyages...?

UN FAMEUX CYCLO-VOYAGEUR

Il y a quelques jours, en fin de journée, Sina est arrivé dans la chambre d’hotel plein d’enthousiasme, me pressant pour que je me prépare vite pour aller à la réception.
“Pourquoi ? Pourquoi ?”
“Non, c’est une surprise !”
Le sourire aux lèvres, nous descendons les escaliers quatre à quatre et je me retrouve brutalement face à un géant tant par la taille que par la beauté de ses voyages à vélo…Claude Marthaler ! Les initiés comprendront mon émotion et ma joie.
Depuis son arrivée accompagné d’un cyclo italien, Tchiro, nous échangeons beaucoup, prenons des repas ensemble et sommes allés au ciné, invités par Haile Gebre Selassie, le célèbre coureur de fond éthiopien, pour voir un film sur sa vie. Génial !
Nathalie, la compagne de vélo de Claude, est arrivée par avion pour rouler à nouveau avec lui vers Djibouti puis le Yémen…
Belles rencontres si enrichissantes !

ANTI-GASPI

Ce matin, j’ai dit à Sina : “Il n’y a que l’injera que vous gaspillez, en Ethiopie.”
En effet, les mets éthiopiens sont servis sur un plateau, recouvert d’une injera. On arrache des morceaux pour prendre la nourriture. Mais, très souvent, il reste beaucoup d’injera.
Et bien, non ! Ce qui reste n’est pas gaspillé !
Je dis à Sina : “Il y a des animaux qui mangent l’injera restante ?”…
Sotte question, comme pas mal d’autres , d’ailleurs, tant nos sociétés sont différentes…
“Non, c’est pour les gens de la rue ! L’année dernière, je mangeais quelquefois comme ça. Moi qui suis exigeant quant à l’hygiène alimentaire, je mangeais en fermant les yeux !”
J’en conclus donc que les Ethiopiens ne gaspillent rien…Tout est récupéré.
Il y a partout des marchands de bouteilles vides, en matière plastique (bouteilles d’eau, à 25 C de Birr ou d’huile, à 5 Birrs)
Les enfants aiment les capsules métalliques de boissons sucrées ou de bière pour jouer. Certains adultes les plantent sur des tabourets en protection et isolation ou les vendent comme colliers.
Tout est vendu en vrac : graines, farines, café, encens, riz, pâtes, sucre, sel… Pas d’emballages à jeter.
Sous le lavabo, commun à toute la maison de la nouvelle chambre que nous louons, il y a un seau qui récupère l’eau. Chacun puise dans ce seau pour verser dans les WC qui n’ont pas de chasse d’eau !
Donc, pas de problème d’évacuation pour le lavabo et pas de problème de fuite pour la chasse d’eau…mais je vous épargne les odeurs !!!
A Addis Abeba, à l’hotel Taitu, les femmes de ménage distribuent chaque jour ¼ de rouleau de papier hygiénique, dans chaque chambre. Elles récupèrent les rouleaux en carton de ce papier pour enrouler du nouveau papier autour !
Dans un restau, un matin, une serveuse était occupée à couper en 4 …pas les cheveux…mais des serviettes en papier ! ¼, c’est suffisant !
A Bahir Dar, il n’y a pas eu d’eau pendant une semaine ! Pas de problème ! On s’organise ! On place des récipients sous les gouttières et on fait bouillir l’eau pour boire.
Ca tombe bien, c’est la saison des pluies !
Au marché de Bahir Dar, des gens récupèrent des centaines de boîtes métalliques US Aid ayant contenu de l’huile végétale. Ils les découpent et les martellent pour les redécouper et en garnir les petits poêles à charbon ou les pots pour brûler l’encens ou…
Les bus ou mini-bus de transport en commun ne démarrent que s’ils sont pleins (toutes les places occupées). Au 1er arrêt, si deux personnes descendent, un gars employé par le mini-bus descend et appelle deux autres passagers et on attend que ce soit à nouveau plein pour repartir !!!
A quand cet anti-gaspi, en France ?

TELE

On regarde la télé (3 films loués pour 0,50 euros).
On, c’est Sinafkew, Meweded, Yassou et moi.
Et je me régale à regarder et entendre…non pas les films mais mes trois compagnons télespectateurs.
Ils ne regardent pas un film, ils sont totalement dans le film et plus rien n’existe autour d’eux. Ils sont loin d’être blasés par le petit écran. Ils rentrent dans l’histoire, ils sont un personnage et participent à fond.
Des cris de stupeur, d’effroi, de joie…
Des commentaires enthousiastes ou réprobateurs à l’égard des acteurs…
Des gémissements de tristesse, de souffrance…
Un geste d’une main sur la tête accompagné d’un “Harra” de surprise revient très souvent.
Des applaudissements disent combien ils sont contents que tel ou tel personnage soit gagnant, fasse une belle action ou se sorte d’une mauvaise passe…
Meweded s’est même brutalement projeté en arrière parce qu’un acteur armé pointait son révolver face à la caméra !!!
Ce n’est pas triste de regarder la télé en Ethiopie ! Ca donne même envie d’en acheter une pour le spectacle dans la salle.
Heureusement qu’il y a ce spectacle-là parce que nous avons le choix entre des films genre films d’amateurs en Amharique ou de mauvais films américains.
Alors, je préfère le spectacle de mes amis.

mercredi 16 août 2006

MACHINES A LAVER

Ce matin, des mètres et des mètres de fil à linge garni de vêtements, de draps et de couvertures colorent la cour où nous vivons.
Hier, deux jeunes femmes courbées devant deux fonds de tonneaux nétalliques coupés pour en faire des bacs à linge, ont lavé du lever du jour à la pénombre du soir.
Les vêtements... je le fais souvent.
Les draps... je les donne à la laverie… où des femmes le font à ma place.
Mais, les couvertures... je n’imagine même pas ! Elles sont volumineuses et une fois mouillées, abominablement lourdes. Dans un bac de 50 cm de diamètre, c’est l’horreur !
Et pourtant, elles le font. Elles discutent tout en lavant, et, bien-sûr…elles éclatent de rire à tout moment.
Elles en font de durs travaux, les Ethiopiennes !
Par ce texte, j’ai voulu rendre hommage à leur courage.

LES CAROTTES

J’épluchais des carottes parce que je n’avais pas de brosse pour les laver et les gratter ensuite.

Sinafkew, Yassou et Meweded me regardaient et ont dit :”En Ethiopie, on n’épluche pas les carottes. On les brosse, c’est tout !”
Et moi de me perdre en explications pour leur dire que c’est mieux, en effet, parce que les vitamines des carottes sont juste sous la peau et les éplucher, c’est jeter les vitamines…
Ils se sont mis à rire tous les trois et m’ont dit qu’eux, ils ne mangent pas des vitamines…ils cherchent seulement à remplir leur estomac pour ne pas sentir la faim…
Tout un monde de différences qui nous permet d’échanger et de comprendre deux sociétés à l’opposé l’une de l’autre, l’une préoccupée par l’équilibre alimentaire et l’autre par le souci de pouvoir manger tout simplement.
La recherche de vitamines, sels minéraux, protéines, lipides, glucides…la pesée des aliments pour une santé à toute épreuve, pour une peau saine, des cheveux brillants, des ongles non cassants et une longévité sans égale …c’est la préoccupation de nos pays riches.
Boire abondamment avant de manger pour donner l’illusion d’un estomac plein, répandre les épices sur toute nourriture pour couper l'appétit, avaler injera et chiro à tous les “repas” depuis l’age de 3 ou 4 ans après avoir été allaité…c’est le souci des Ethiopiens.
Et pourtant, Sinafkew et ses amis sont forts, ont une belle peau et des cheveux drus et fournis. Ils ne sont pas malades…il ne le faut pas !
Peut-être sont-ils les rescapés de l'Ethiopie, les moins solides mourant rapidement !?

LA CEREMONIE DU CAFÉ

Bon, vous vous rappelez, j’ai dit dans “Bruits et odeurs”, que j’allais vous la raconter, cette cérémonie. Si je l’ai déjà fait par l’intermediaire de Caro qui a publié un extrait d’une lettre perso, tchigrellem (pas d’probleme !) vous ne lisez pas et voilà tout !

Une maitresse de maison assise sur un tout petit banc (15 cm de haut).
Une toute petite table (20 de ht.X 20 de l. X 30 de L.) garnie de tasses.
Un petit poële à charbon rigolo (40 de ht. X 20 X 20 ) où chauffe l’eau d’une bouilloire.
Une djebné (cafetière en terre).
Des herbes répandues sur tout le sol (tchofé).
Du café vert que la dame lave plusieurs fois, le pressant dans ses paumes de mains, au-dessus d’une tôle ronde légèrement incurvée. Elle sèche puis grille le café dans cette même tôle posée sur le charbon rouge, à la place de la bouilloire. Les grains sont remués régulièrement pour que tous prennent la même couleur, passant du vert au noir par toutes les nuances de brun. C’est alors, le long travail de mise en poudre du café dans la moukacha à l’aide d’un pilon métallique (genre morceau de baramine). Il faut savoir fermer le mortier de la main gauche pendant que la droite écrase les grains à un rythme lent mais puissant. Quand la poudre est très fine, comme de la farine, on la met dans la djebné puis on ajoute l’eau nécessaire pour le nombre de tasses. On pose la cafetière sur le charbon jusqu’à nouvelle ébullition. On laisse alors reposer deux minutes et on sert les premières tasses. C’est le Buna Abon, le plus corsé.
Pendant ce temps, l’eau bout à nouveau et on la verse sur la même poudre de café dans la djebné. Deuxièmes tasses…c’est le Buna Tuna, moins fort. Les troisièmes tasses, c’est le Buna Bèréka, le plus léger. C’est fini !
Vous avez aimé cette dégustation ? Ben, pas moi quand je l’ai fait !...Eh ! oui !...je l’ai fait…avec mes p’tites pattes de d’vant ! Mais, c’est long, long, trop long pour l’Européenne que je suis. Ca dure 3 bonnes heures, plaisantes pour ceux qui sont invités et qui papotent, assis sur un matelas, par terre, ou dans des fauteuils, en Amharique, évidemment, avec quelquefois quelques traductions en anglais pour la Kaï (Rouge) que je suis. Je vous rassure …mes amis ne m’appellent pas la Kaï mais Paulina. Il n’y a que Sinafkew qui m’appelle ma PaulinE.
Cette cérémonie du café se fait partout, partout, en Ethiopie, plusieurs fois par jour, mais c’est chacune son tour, dans des maisons différentes.
“Ethiopian culture” , très importante. Les Ethiopiens sont, pour la plupart, très respectueux et fiers de cette culture. Ils me demandent souvent :” Que pensez-vous de la culture éthiopienne ?”
Et moi de répondre que j’y vois de bons et mauvais côtés.
J’aime la “cérémonie du café”, la facon de manger ensemble, dans le même plateau, partageant même avec des inconnus, roulant la nourriture dans un morceau d’injera, de la main droite, bien-sûr (traditions alimentaires : Tella, Doro wat, réservées aux invités d’honneur comme moi chez Mama Eseye).
J’aime aussi le port de la pièce de coton blanc, bordé de tissages de couleur, sur la tête et les épaules, le respect du plus âgé que soi, les interventions dans tout conflit pour aider à le règler, même si on ne connaît pas les belliqueux…
mais je déteste les traditions qui touchent au corps, interdites depuis environ 7ans mais souvent toujours pratiquées : incisions de chaque côté des yeux pour qu’ils s’ouvrent d'avantage (vers 2-3 ans), gencives noircies avec le même procèdé que pour les tatouages, ablation du clitoris, couture de l'orifice vaginal, tatouages sur le front et le cou, lèvres et lobes d’oreilles à plateaux , pièce d’ivoire perçant la lèvre inférieure…
Bref ! Nous avons aussi nos traditions corporelles comme les oreilles percées, la coloration des lèvres en rouge et des paupières de toutes les couleurs, les iris multicolores, les cheveux teints jusqu’à rendre malade, l’emprisonnement des fesses dans des jeans très étroits, les pieds cambrés pour se tenir sur des talons aiguilles, les seins gonflés au…c’est pas l’hydrogène ? non, ça s'envolerait ! c’est quoi ?... du silicone ! les liftings qui tiennent ou qui craquent, les liposucions…et j’en passe et des meilleurs !!!
Dégustez ce café éthiopien entre amis et désormais, n’achetez plus que du café éthiopien !!!Bonne dégustation !